L'HERBIER GUERISSEUR
DANIELLE DÉNOUETTE
3 janvier - 30 janvier 2013
Sans emphase, avec un espoir tenace, réparer l’énorme avec le minuscule, poursuivre sa tâche, avec une ardente douceur. Dans toute la démarche de Danielle Dénouette, la nature est primordiale : rouleaux peints où s’échangent les nuées du ciel étoilé et les herbes minuscules, balancées par le vent ; silhouettes d’arbres nus, solitaires, égrainés en noir et blanc sur des chutes de papier. Monde archaïque, premier, essentiel, né avant l’homme et destiné à lui survivre, à moins qu’il ne le détruise. A côté de ces paysages désertiques, de ces arbres égarés dans un hiver sans fin, se glissent des feuilles collées, estampées, des empreintes de feuilles, leitmotiv de la perte portant en elle sa renaissance, en symbiose avec le passage des saisons. Désir épuré de toute présence humaine, où seule la couleur persiste lorsqu’elle n’est pas effacée par l’élan aride de l’encre noire, où seule la transparence d’une feuille résiste.
La feuille d’arbre et l’arbre dénudé hantent l’œuvre de Danielle Dénouette : dessins, collages, livres-objets où des feuilles se découpent dans la chair du livre, boîtes aux secrets où les feuilles séchées, comme embaumées, côtoient coquillages et ailes d’anges.
Cette obsession des feuilles, qui se décline des feuilles d’arbres aux feuilles de papier, en passant par leur absence, feuilles d’arbre dessinées en creux sur l’écrin du souvenir, aboutit, dans cette nouvelle exposition, au désir de réparation : feuilles cousues du fil rouge de la mémoire, recueillies pour conjurer la catastrophe, rappeler la persistance de la vie par-delà la destruction.
Les paysages nus, comme dévastés, apparaissent comme une prémonition du désastre qui allait dévaster le pays d’adoption, la terre d’amour de l’artiste : le Japon. La catastrophe de Fukushima a fait naître en elle le désir de réparer, avec une constance discrète, consciente de la dérision du geste et de sa nécessité. Feuilles fragiles, déchirées, déchiquetées, cousues par l’aiguille qui brode le fil rouge de la blessure, le filet blanc de la consolation. Main discrète de la couturière qui tente de panser le désastre, de le penser.
Traces de vie recueillies avec tendresse, feuilles délicatement cousues, brodées, pour conjurer la perte, reconstruire avec une grande patience, par petites touches, telle une Pénélope qui cumule sans détruire, animée par le même espoir d’un retour de la vie, du bonheur quotidien. Les feuilles cousues deviennent des ailes pour rappeler la catastrophe, offrir aux morts et à la nature meurtrie un écrin fragile, réparer avec le cœur. Couples de feuilles hybrides, rassemblées dans leur différence, feuilles blessées, tachetées, roussies, trouées, froissées, noircies, veinées de rouge, de vert ou de blanc, auxquelles l’artiste offre une nouvelle existence, feuilles-papillons cousues sur l’herbier guérisseur.
Anguéliki Garidis